Supplément culturel

La culture comme capital : l'âme d'une nation se mesure aux musées, pas aux budgets

Détail du musée archéologique de Prizren

Détail du musée archéologique de Prizren

Il est temps que la culture ait toute la place qu'elle mérite dans les budgets et les mentalités. Car sans elle, tout le reste n'est qu'une forme sans contenu, un édifice sans souffle. En fin de compte, l'histoire ne se souvient pas d'une nation pour les tours ou les autoroutes qu'elle a construites, mais pour les mélodies qu'elle a laissées, les paroles qu'elle a préservées et l'art qu'elle a offert au monde.

À la croisée des chemins entre civilisation et statistiques : dans la plupart des politiques publiques au Kosovo et en Albanie, la culture apparaît comme un chapitre secondaire, un poste budgétaire qui reste toujours en bas de la liste des priorités. Si le développement se mesure à l’aune des données économiques et des infrastructures physiques, une dimension plus profonde est oubliée : l’âme de la nation, qui ne se mesure pas en kilomètres d’asphalte, mais en bibliothèques, en musées et en traces esthétiques que nous laissons aux générations futures.
La richesse invisible, souvent négligée : les musées sont vides, les bibliothèques obsolètes, tandis que les artistes luttent silencieusement pour leur place, leur reconnaissance et leur survie. Ce n’est pas la conséquence d’un manque de talents – il y en a en abondance – mais de l’absence d’une conscience collective qui considère la culture comme un capital à long terme et non comme une dépense à court terme. Dans une société qui se veut moderne, la culture doit être non seulement une mémoire du passé, mais aussi un guide pour l’avenir. Contrairement aux idées reçues, elle n’est pas un luxe réservé aux grandes villes, mais le fondement du développement durable, un moteur de l’esprit critique et un facteur de renforcement de l’identité.

Français Que défendons-nous, sinon nos âmes : Pendant la Seconde Guerre mondiale, au Royaume-Uni, lorsqu'un haut fonctionnaire suggéra à Winston Churchill de réduire le budget de la culture pour augmenter les fonds destinés à la guerre, il aurait répondu : « Alors, pour quoi nous battons-nous ? » Bien que cette déclaration ne soit pas officiellement documentée, elle contient une grande vérité morale : une société qui ne préserve pas son esprit spirituel, qui n'investit pas dans l'art, l'éducation et la mémoire collective, risque de gagner des batailles physiques mais de perdre la guerre pour la conscience et la civilisation.

Nécessité d'une nouvelle conscience culturelle : L'Albanie et le Kosovo ne souffrent pas d'un manque de talents, mais d'un manque de structures pour les encourager. Le financement durable des artistes, des espaces d'exposition et des centres d'éducation esthétique dès l'enfance fait encore défaut. Il manque également une stratégie nationale pour construire une identité culturelle contemporaine, digne d'une société en quête d'intégration et de progrès. Il est donc nécessaire de construire une nouvelle conscience collective, où la culture ne soit pas un simple « cadre », mais un élément central, où l'art ne serve pas seulement de décoration festive, mais de mécanisme de réflexion et d'émancipation. Car une nation qui ne se remet pas en question perd sa voie.

Appel à des institutions visionnaires : Aujourd’hui plus que jamais, il est temps que les institutions considèrent la culture comme une mission d’État, et non comme une option. Il est temps d’adopter des stratégies à long terme incluant des musées modernes, des galeries fonctionnelles, des théâtres dynamiques et des centres d’innovation culturelle. Il est temps que la culture ait toute sa place dans les budgets et les mentalités. Car sans elle, tout le reste n’est qu’une forme sans contenu, un bâtiment sans souffle. En fin de compte, une nation ne reste pas dans l’histoire pour les tours ou les autoroutes qu’elle a construites, mais pour les mélodies qu’elle a laissées, les mots qu’elle a préservés et l’art qu’elle a offert au monde.